Au carrefour de Horikawa-Imadegawa qui se situe environ 800 mètres à l’ouest de la gare de Karasuma-Imadegawa sur la ligne de Karasuma du métro de Kyoto, on voit au coin sud-ouest un bâtiment de l’association pour la promotion des ventes du Nishijin-ori (textile). Un peu au sud de là, on trouve un torii (portail) du sanctuaire shinto Seimei-jinja.
Seimei (Abe-no-Seimei) était un maître du Yin-Yang qui servit la famille impériale toute sa vie. Il offrit ses services à 6 empereurs consécutifs. Comme il a déjà été mentionné dans les chapitres 60 et 73, il a fait se jeter Hashihime dans la rivière Uji et a transféré la grave maladie du bonze verteux Chiko à son disciple Shoku.
Dans l’enceinte, il y a un puits avec un symbole mystérieux : une étoile pentagonale, qui, selon les on-dit, défend le sanctuaire contre la pénétration des mauvais esprits. Sur le sol devant ce puits, un motif du Grand Chariot est représenté. Quand on marche pas à pas suivant le motif, on peut sûrement obtenir une puissance magique.
Mais aujourd’hui, je vais vous parler d’un pont spécial construit dans le sanctuaire en tant que mémorial. Il a été bati avec les matériaux d’un pont des environs Ichijo-modori-bashi qui enjambe la rivière Horikawa. Ce pont est situé au sud du Seimei-jinja. Devenu trop vieux, il dût être reconstruit mais, chargé d’histoires et de symboles, on ne put se résigner à en jeter les matériaux. Ils furent donc (en partie) transférés au Seimei-jinja.
Le nom du pont Ichijo-modori-bashi provient d’un événement étrange qui s’est passé quand un savant de la littérature chinoise Miyoshi Kiyoyuki est mort et que son cortège funèbre était en train de traverser ce pont. A ce moment-là, son fils Jozo se consacrait à une ascèse au fin fond du mont Kumano (maintenant dans la préfecture de Wakayama). Dès qu’il entendit la nouvelle de la mort de son père, il rentra à Kyoto en toute hâte et put rattraper le cortège sur ce pont.
Puisque Jozo n’arriva pas à temps pour les derniers moments de son père, il se cramponna au cercueil puis récita un soutra au lieu de lui dire les mots d’adieu. Alors le ciel commença à s’assombrir et on entendit gronder le tonnerre au loin. Tout à coup, le couvercle du cercueil fut arraché et le mort se dressa dans le cercueil. Tous les deux, le père et son fils, se serrèrent en pleurant. Parce que l’esprit du père retourna dans ce monde sur ce pont, on commença à l’appeller Ichijo (nom de lieu)-modori(retourner)-bashi(pont).
Un cortège matrimonial ne doit pas passer ce pont pour éviter que l’épouse ne retourne chez ses parents. Un char funèbre ne doit pas traverser ce pont s’il veut emmener le mort à l’autre monde paisiblement. Car, pour l’esprit du mort, même s’il peut revenir dans ce monde, il ne peut rester longtemps et un nouveau départ est une épreuve difficile. Pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de soldats mobilisés sont venus à ce pont pour souhaiter pouvoir retourner dans leur pays natal sain et sauf. Ainsi, sur la base de l’idée du retour, le pont a fait l’objet de nombreuses et diverses interprétations.
De manière plus sanglante, pendant la guerre civile (au Japon 1467-1568), Ichijo-modori-bashi devint un endroit pour exposer les coupables ou leurs têtes décapitées. Parmi eux il y avait la tête du maître de cérémonie du thé Senno-Rikyu qui avait fait hara-kiri dans les environs suivant l’ordre du despote d’alors Toyotomi-Hideyoshi.
A l’époque d’Edo (1603-1867), le condamné à mort parcourait un itinéraire toujours identique pour arriver au lieu d’exécution à Tsuboi-cho (au nord). Après être parti de la prison Rokkakugokusha, il mangeait un morceau de mochi sur le pont Ichijo-modori-bashi... Est-ce que vous vous souvenez du chapitre 64 ? Là-bas, il mangeait le dernier repas, espérant pouvoir retourner et vivre dans ce monde encore une fois.